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lundi 30 avril 2012

Understanding comics?


des bds qui parlent de bd en bd?

Oui, ça existe et parfois c'est même très bon!

Prenons deux auteurs au hasard(non pas vraiment au hasard puisque c'est de eux deux dont traitent ces lignes), à savoir Scott McCloud et Alex Baladi.

Le premier est l'auteur (entre autre) de "l'art invisible" et le second (entre autre)de "encore un effort", deux ouvrages dont la lecture est indispensable pour tout ceux qui veulent se frotter(un jour ou plus) au 9eme art.
"L'art invisible" est un ouvrage qui explique et catégorise la bande dessiné, certains appellent ça un "essai"...
Astucieusement déguisé en bande dessinée facile à lire, le livre de Scott McCloud explique simplement le langage de la bande dessinée.

Un livre sur la bande dessinée et en bande dessinée, cet ouvrage propose la réflexion de l'auteur sur la bande dessinée, ainsi qu'une "grille de lecture" au lecteur désireux d'approfondir sa compréhension et sa réflexion sur le sujet. Cet ouvrage, de même que "Réinventer la bande dessinée", est assez exceptionnel.
L'auteur expose quelques pistes pour mieux comprendre (ou pourquoi pas faire !), et par là-même apprécier la bande dessinée, et toutes sont intéressantes. Elles ne manqueront pas de faire réagir et réfléchir le lecteur. On peut bien évidemment être plus ou moins d'accord avec l'avis de Scott McCloud, mais ce livre est une base de réflexion vraiment digne d'intérêt. L'auteur le souligne d'ailleurs lui-même, espérant susciter un débat sur la vision de la BD, ses moyens, son avenir.
Si certains pourront regretter (et encore, le terme est fort), des répétitions et un défonçage de quelques portes ouvertes (en Europe, en tout cas), cet ouvrage est tout simplement indispensable au lecteur qui veut (mieux) comprendre le monde de la bande dessinée, et ses bandes dessinées.
Qu'il nous parle du temps qui passe dans une bd (l'espace est à la bande dessinée ce que le temps est au cinéma), de l'espace magique entre les cases, là où tout se passe, ou de l'apport narratif des mangas, il tombe toujours très (très) juste et certains passages nous font dire "Bon sang mais c'est bien sur" (comme dirait l'autre).

Qu'on soit lecteur du dimanche ou lecteur confirmé ou simplement amoureux de bd, c'est un bonheur de voir clairement mis en lumière des mécaniques qui nous sont si familières qu'on en oublie qu'elles existent.
Scott McCloud prouve par l’exemple ce qui n’était pas une évidence : la bande dessinée peut être didactique. L’art invisible est même un album très vivant, une démonstration abondamment illustrée (c’est le cas de le dire) du potentiel du « neuvième art ».

Bien sûr, Scott McCloud se base essentiellement sur des exemples issus des "comics américains", mais il pioche aussi dans la "BD européenne" et dans le manga. Sans parler des pages historiques où il remonte aux égyptiens, aux incas et à la tapisserie de Bayeux.

Bref, c’est l’ouvrage indispensable pour « s’instruire en s’amusant » !
Qu'une bande dessinée parle du médium bande dessinée sous l'angle dirons nous théorique était un point de départ tout à fait intéressant. L'ouvrage de Scott McCloud a ses qualités: il est facile d'accès, c'est un ouvrage de vulgarisation de certaines théories, il explique très bien les mécanismes qui font de la bande dessinée un art 9ème.
Il ne s’agit pas du premier essai sur la bande dessinée réalisé sous la forme d’une BD car Will Eisner en a réalisé un auparavant mais qui s’attachait plus à montrer certains principes et techniques que d’élaborer une analyse générale (La bande dessinée, art séquentiel, 1985). C’est d’ailleurs cet ouvrage qui est à l’origine de L’Art invisible.
En un peu plus de 210 pages L’Art invisible cherche à proposer une définition de la bande dessinée, s’attache à présenter le vocabulaire de celle-ci puis passe en revue ses caractéristiques : l’ellipse, la gestion du temps, le dessin, la place du texte.
 Scott McCloud s’attache à élargir un peu son propos sur l’élaboration de la bande dessinée et la mise en couleur avant de conclure. Le tout est proposé de façon très didactique et cherche à être le plus compréhensible possible. Il y a un réel souci de vulgarisation et de pédagogie qui est parfaitement rendu.

Tous les chapitres ne sont pas de la même qualité. Le premier consacré à l’histoire et à la définition de la bande dessinée est un peu faible car cherchant peut-être à englober un peu trop d’œuvres dans le champ de la BD. Le codex précolombien, la tapisserie de Bayeux ou les récits en gravures d’Hogarth ne sont pas de la bande dessinée même s’il s’agit de récits graphiques. Cependant, ce premier chapitre, malgré ses faiblesses dues principalement au fait qu’il aurait eu besoin de plus de développements, passe en revue les principaux enjeux d’une définition et donne une certaine assise à la suite du livre.

Le deuxième chapitre a le défaut d’être un peu trop théorique mais il pose les bases indispensables à compréhension de ce qu’est une bande dessinée et de l’importante variété de formes qu’elle peut prendre. Il faut donc un peu s’accrocher si on a pas trop l’habitude de lire des ouvrages théoriques car il est un peu long (36 pages). Ceci dit, l’effort demandé n’est pas insurmontable et c’est illustré avec beaucoup d’à propos. Cependant, si on a compris quel était le vocabulaire de la bande dessinée, notamment en distinguant l’image et le texte et en précisant les notions de réception / perception et les différents degrés entre la représentation de la réalité par l’image et le texte, il reste encore à voir comment ce vocabulaire est mis en œuvre.

Les chapitres 3 à 6 permettent de comprendre comment la bande dessinée fonctionne, quelle est sa grammaire. Ainsi, Scott McCloud attire note attention sur l’espace inter-iconique appelé aussi gouttière (le blanc entre deux cases d’une planche de BD) et l’importance de l’ellipse dans la narration. Les 34 pages consacrées au sujet sont formidables de clarté et constituent, à mon avis, la meilleure partie de l’essai. On peut apprécier tout particulièrement une tentative d’explication des spécificités narratives du manga. L’excellent quatrième chapitre consacré à la gestion du temps est plus court et se focalise sur la façon de rendre celui-ci sous la forme figée d’un ensemble de dessins sur une page ou même à l’intérieur d’une case. Ensuite, un chapitre assez court rappelle quelques vérités sur le dessin et la représentation des sentiments, sensations sous forme graphique. De nombreux fans de dessins léchés auraient bien intérêt à lire tout particulièrement cette partie afin de comprendre que non, l’auteur qu’on admire n’est pas si bon que cela et qu’en fait, c’est peut-être un tâcheron même s’il est excellent illustrateur.

C’est ensuite que L’Art invisible commence à perdre un peu de son intérêt. Heureusement, on n’est plus très loin de la fin, ce qui fait que cette baisse est sans réelle importance, le principal ayant été dit. Le chapitre 6 est pourtant important pour une bonne compréhension de la bande dessinée car il est consacré à l’interdépendance du texte et de l’image. Malheureusement, toute la première partie est assez théorique, plutôt nébuleuse et se contente souvent d’enfoncer quelques portes ouvertes. C’est seulement ensuite que l’auteur propose des cas concrets avec différents types de textes en exposant leur fonction narrative. J’aurai préféré une démarche inverse, partir du concret pour aller vers une théorie plus globale.

Le chapitre suivant sur le processus de création d’une BD expose là aussi une série de lieux communs et rappelle quelques évidences. Cela peut toujours intéresser les apprentis auteurs mais risque surtout de laisser de marbre les simples lecteurs. La courte partie sur la couleur est intéressante mais le thème est survolé un peu trop vite. Surtout, on continue à s’éloigner trop d’une théorie de la bande dessinée et des mécanismes nécessaires à sa compréhension. Enfin, un dernier chapitre propose une conclusion en résumant les propos de l’auteur. On a l’impression que Scott McCloud a peur de ne pas avoir été assez clair et essayer de re-expliquer autrement ses idées à grand renfort de pages très graphiques. À moins qu’il applique un principe pédagogique bien connu : celui de la répétition.

Il reste, malgré une fin moins intéressante, que l’ouvrage est indispensable pour qui cherche à mieux comprendre pourquoi il apprécie la bande dessinée et comment elle est construite. Il est amusant, puis, petit à petit agaçant, de remarquer l’usage systématique par Scott McCloud d’un effet de suspens en fin de page. Chaque planche est construite par une première case introduisant le propos et par une dernière créant une attente (il ne faut pas confondre avec l’effet de suspense qui lui, à l’intérieur d’une construction dramatique, cherche à générer une angoisse). On peut aussi regretter que les possibilités au niveau de la planche, notamment des deux planches en vis-à-vis, ne soit pas mieux développées. La notion de narration visuelle n’est pas vraiment explicitée non plus. L’importance du rythme dans la narration n’est pas réellement abordée non plus. Cependant, d’autres ouvrages permettent de combler ce manque et L’Art invisible les rend bien plus compréhensibles.

Un must donc mais quelques regrets aussi : l'ouvrage date de 1993 et zappe l'évolution du média depuis (et pour bouger, il a bien bougé), le manga est toutefois abordé. Ensuite, on trouve peu de pistes, références pour approfondir, seuls quelques grands noms (Eisner, Spiegelman, ...).

Plus près de chez nous,  dans la collection "éprouvette" de l'Association un ouvrage de Baladi qui est véritablement jouissif et instructif .

Plutôt que de s'embarquer dans un ouvrage théorique, Alex Baladi profite de cette incursion dans la collection Eprouvette de L'Association, consacrée aux essais, pour livrer une bande dessinée sur sa vie d'auteur. Partant de quelques anecdotes sur les séances de dédicaces, il vainc progressivement sa timidité initiale et cesse de tourner autour du pot pour livrer des histoires plus personnelles sur l'étroite relation qu'il entretient avec son moyen d'expression favori. S'ils ne sont pas réellement surprenants, les passages sur la dichotomie entre bande dessinée indépendante et bande dessinée commerciale, l'argent et la possibilité de vivre de sa passion d'un côté, la liberté et - oh le gros mot - “l'éthique” de l'autre, rappellent la difficulté de certains auteurs (et éditeurs), dont le quotidien s'apparente à un éternel dilemme. De plus en plus relâché au fil des récits, Baladi ose affirmer son point de vue - notamment sur la fameuse affaire des caricatures de Mahomet, où il présente un avis discordant sur la question - pour finalement relater des expériences plus intimes, sur l'importance qu'a eu la bande dessinée dans son enfance. Ou lorsque dessiner l'a "sorti" de la prison dans laquelle on l'avait enfermé. Le ton est sincère, toujours dégonflé par une humilité et une pointe d'humour qui resurgissent dans un dessin. Reposé et limpide - sauf dans ce magnifique intermède très "baladien", tout en texture et en matière -, son trait s'avère toujours aussi agréable à suivre dans ce découpage digne d’une marelle, progressant d'une case à l'autre en serpentin. Alors, même s'il préfère qu'on critique son travail pour lui prouver qu'il "vaut la peine d'en dire du mal", rien à faire : lire Baladi reste toujours un plaisir.
Hélas comme il le dit lui même un plaisir partagé en petit nombre.

Et si ce livre qui parle d'abord de bande dessinée et du fait d'en faire, d'être auteur, était le meilleur de son auteur ? C'est en tout cas comme ça qu'on le lit : à la manière d'une confession en plusieurs petits chapitres s'attaquant à tout ce qui concerne la découverte, la pratique, le regard sur la bande dessinée.
Un petit livre à chérir, surtout si l'on veut s'immerger dans le monde singulier des auteurs de BD.

Son style délié étonne, sa manière de faire flotter les cases dans la planche surprend et cette façon de confondre les dimensions à la Matisse le caractérise. Baladi, genevois vivant à Berlin après Bruxelles, expose à Lucerne. «J’ai gouaché des dessins sur des feuilles de couleur et les ai assemblés en grappes sur le mur circulaire qu’on m’a mis à disposition. Et je suis intervenu directement sur le mur. » «Routine & accident» se présente comme une installation, on y découvre même un livre-tombe, car la route ne pardonne pas. Baladi fait pleurer ou transpirer le drapeau suisse. As dans l’art de la métamorphose, il transforme les gouttes, au sol, en phylactères, qui à leur tour deviennent des personnages. " Encore un effort, fidèle coutelas" – clin d’œil à Rahan! –, une autobiographie axée sur sa manière originale de pratiquer la bande dessinée.


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